- EAN13
- 9782384420803
- Éditeur
- La Gibecière à Mots
- Date de publication
- 24/06/2022
- Langue
- français
- Fiches UNIMARC
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Livre numérique
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Aide EAN13 : 9782384420803
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1.99
André Gide (1869-1951)
"De tout temps les tribunaux ont exercé sur moi une fascination irrésistible.
En voyage, quatre choses surtout m’attirent dans une ville : le jardin public,
le marché, le cimetière et le Palais de Justice.
Mais à présent je sais par expérience que c’est une tout autre chose d’écouter
rendre la justice, ou d’aider à la rendre soi-même. Quand on est parmi le
public on peut y croire encore. Assis sur le banc des jurés, on se redit la
parole du Christ : Ne jugez point.
Et certes je ne me persuade point qu’une société puisse se passer de tribunaux
et de juges ; mais à quel point la justice humaine est chose douteuse et
précaire, c’est ce que, durant douze jours, j’ai pu sentir jusqu’à l’angoisse.
C’est ce qu’il apparaîtra peut-être encore un peu dans ces notes.
Pourtant je tiens à dire ici, d’abord, pour tempérer quelque peu les critiques
qui transparaissent dans mes récits, que ce qui m’a peut-être le plus frappé
au cours de ces séances, c’est la conscience avec laquelle chacun, tant juges
qu’avocats et jurés, s’acquittait de ses fonctions. J’ai vraiment admiré, à
plus d’une reprise, la présence d’esprit du Président et sa connaissance de
chaque affaire ; l’urgence de ses interrogatoires ; la fermeté et la
modération de l’accusation ; la densité des plaidoiries, et l’absence de vaine
éloquence ; enfin l’attention des jurés. Tout cela passait mon espérance, je
l’avoue ; mais rendait d’autant plus affreux certains grincements de la
machine.
Sans doute quelques réformes, peu à peu, pourront être introduites, tant du
côté du juge et de l’interrogatoire, que de celui des jurés... Il ne
m’appartient pas ici d’en proposer."
"De tout temps les tribunaux ont exercé sur moi une fascination irrésistible.
En voyage, quatre choses surtout m’attirent dans une ville : le jardin public,
le marché, le cimetière et le Palais de Justice.
Mais à présent je sais par expérience que c’est une tout autre chose d’écouter
rendre la justice, ou d’aider à la rendre soi-même. Quand on est parmi le
public on peut y croire encore. Assis sur le banc des jurés, on se redit la
parole du Christ : Ne jugez point.
Et certes je ne me persuade point qu’une société puisse se passer de tribunaux
et de juges ; mais à quel point la justice humaine est chose douteuse et
précaire, c’est ce que, durant douze jours, j’ai pu sentir jusqu’à l’angoisse.
C’est ce qu’il apparaîtra peut-être encore un peu dans ces notes.
Pourtant je tiens à dire ici, d’abord, pour tempérer quelque peu les critiques
qui transparaissent dans mes récits, que ce qui m’a peut-être le plus frappé
au cours de ces séances, c’est la conscience avec laquelle chacun, tant juges
qu’avocats et jurés, s’acquittait de ses fonctions. J’ai vraiment admiré, à
plus d’une reprise, la présence d’esprit du Président et sa connaissance de
chaque affaire ; l’urgence de ses interrogatoires ; la fermeté et la
modération de l’accusation ; la densité des plaidoiries, et l’absence de vaine
éloquence ; enfin l’attention des jurés. Tout cela passait mon espérance, je
l’avoue ; mais rendait d’autant plus affreux certains grincements de la
machine.
Sans doute quelques réformes, peu à peu, pourront être introduites, tant du
côté du juge et de l’interrogatoire, que de celui des jurés... Il ne
m’appartient pas ici d’en proposer."
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