Le sang d'Aldésie

Aurélie Genêt

Fantasy RCL

  • Conseillé par
    16 mai 2014

    Il est arrivé un soir, déposé par un cavalier sur le seuil de sa masure, comblant tous les vœux de Mayalen qui voulait de toutes ses forces un petit frère. À Keloew, au Sud du royaume d'Aldésie, la vie est rude mais cette bouche à nourrir sera un jour un garçon grand et fort, et une aide précieuse pour aider le père aux travaux des champs. Et la solidarité des villageois fera le reste.

    Ce vœu pieux de Mayalen s'est réalisé au delà de ses rêves et Evy a grandi, entouré de l'amour des siens malgré les moqueries de ceux qui ont perçu dans ses différences physiques, les marques d'une possible noblesse. Blond parmi les keloewois bruns, Evy s'est posé beaucoup de questions sur ses origines, ses parents qui l'ont sans doute abandonné pour de bonnes raisons, et il en a conçu quelques blessures : une timidité et un bégaiement persistants, marques de son mal-être intérieur.
    C'est encore une fois un cavalier qui va sceller son destin, quinze ans plus tard. Un cavalier qui l'emmène, de force, loin de son village, vers un père qui désire le rencontrer. Après une longue route, il arrive à Aldes, capitale du royaume, et, à sa grande surprise, il découvre que son père n'est autre que Charles, le roi ! Tout à sa joie de connaître enfin sa vraie famille, Evy déchante très vite. La vie à la cour est très codifiée, son père, au mieux l'ignore, au pire, l'humilie publiquement. Pour tous, il n'est qu'un paysan, un bâtard, c'est à dire, moins que rien. Ce n'est que dans la forêt où parfois il s'échappe pour respirer, qu'Evy retrouve un peu de sérénité. Pourtant, c'est un lieu de grand danger, infesté de bandits, avec à leur tête, le plus célèbre d'entre eux, l'ennemi juré de son père, le Duc Lefker, un soarte, issu de ce peuple de guerriers sorciers, matés par Charles et employés comme esclaves à la cour. Le Duc l'épargne mais un étrange lien s'est crée qui pousse Evy à retourner sans cesse dans les bois.

    Un monarque absolu, craint et respecté, une cour cancanière, frivole et comploteuse, un pays exsangue, un peuple qui crie famine quand la noblesse se prélasse dans la soie, un château qui pourrait être Versailles... L'Aldésie et son roi Charles présentent des similitudes indéniables avec la France de Louis XIV...Mais qu'on ne s'y trompe pas, Aurélie GENÊT ne s'est pas lancée dans un roman historique. L'Aldésie est une France qui évoluerait dans un monde parallèle. Un monde où le fantastique côtoie le réel mais sans être naturel. La magie existe, c'est un fait, mais elle fait peur, elle est l'oeuvre du diable. Elle est le fait des seuls soartes, de redoutables sorciers.
    Dans cette lutte entre le roi et le Duc, on prend fait et cause pour ce dernier, même s'il est décrit comme sanguinaire et impitoyable. Le roi qui semble avoir le droit de son côté est trop haineux et énigmatique pour que l'on s'y attache. D'autant que son comportement envers son fils illégitime est odieux. Il n'hésite pas à en faire la risée de tous les courtisans, ne cache ni son mépris ni sa rage à son égard. Or, Evy est le gentil de l'histoire. Naïf, maladroit mais plein de bonne volonté, il est perdu dans ce monde d'intrigue et de flagornerie. En quête de reconnaissance, il va de déceptions en affronts, et, même si, très vite, on sent que l'espoir est mince, on aimerait un geste du monarque à son égard. C'est donc le Duc qui va lui tenir lieu de guide, même si leurs rapports sont plus virils que tendres, et toujours teintés de méfiance. Et l'auteure ne tombe pas dans le travers de faire de ce jeune héros un surhomme capable de s'adapter à sa nouvelle vie en un rien de temps et de battre les grands du royaume sur leur propre terrain. Non, l'apprentissage est rude, les bévues succèdent aux maladresses, et Evy ne trouve pas le chemin, ni du cœur de son père, ni de la vie à la cour.
    Les rebondissements s'enchaînent, les évènements défilent dans ce roman qui allie mystère, histoire et fantasy. Aurélie GENÊt a su créer un univers qui puise dans le réel mais sait s'en éloigner avec finesse. On pense à Ridicule de Patrice Leconte, à Angélique marquise des anges de Bernard Borderie, au Bossu d'André Hunebelle, cocktail détonant et passionnant qui saura même convaincre les lecteurs réfractaires au fantastique.
    Un roman qui se lit d'une traite, à découvrir absolument.

    Merci aux éditions fantasy-éditions pour cette excellente lecture.